Fluff Dry

exhibition

Dani Reynolds

Lieu-Dit / In extenso hors les murs

22 mars — 5 avril 2025

[Plan aérien] Trois voitures – rose, verte et bleue – glissent dans le virage, leurs roues en plastique fendant l’asphalte mouillé dans une hésitation chorégraphiée, filant dans un hydroplanage presque parfaitement maîtrisé : un quasi-échec, une demi-répétition, un moment tendu entre adhérence et lâcher prise. [Gros plan] Un·e chien·ne. Spectateur·ice soumis·e ? Participant·e actif·ve ? Peu importe, son pelage ondule dans le vent tandis qu’iel observe, suivant du regard les mouvements comme s’iel tentait de donner un sens au ballet absurde qui se déroule sous ses yeux. Le circuit sur sol mouillé à Ladoux de Michelin, réservé aux grosses cylindrées et aux gros portefeuilles, accueille désormais cette chorégraphie surréaliste de voitures d’enfants, dont la présence est à la fois ridicule et étrangement gracieuse. C’est une arène de répétitions absurdes, de dérapages et de corrections, de quelque chose qui s’apparente au contrôle, sans jamais l’être tout à fait. Une voiture vacille, se redresse, vacille à nouveau. La danse continue, oubliant la maîtrise pour s’approcher d’un état plus instinctif. Ici, les machines flirtent avec l’incertitude, traçant des boucles de défi—quelque part entre le jeu et la précision, entre un amusement et quelque chose d’inconsciemment sérieux.

Mais ceci n’est que ce qui aurait pu avoir lieu – ce qui aurait pu se dérouler dans une vidéo imaginée par l’artiste Dani Reynolds, si Michelin avait accepté de nous laisser filmer sur son circuit mouillé. À la place, ces voitures – autrefois des jouets motorisés pour enfants – ont été réimaginées, transformées. Désormais libérées d’une trajectoire linéaire de va-et-vient, elles tournent librement, perchées sur des roulettes de chaise de bureau, leurs mouvements déliés, imprévisibles, extatiques. Leurs surfaces, sublimées par des couches de papier mâché et d’emblèmes de gargouilles argentées, semblent à la fois ornementales et défiantes, vestiges d’une mythologie qui n’a jamais existé. Ainsi, elles ne filent pas sur une piste d’essai lisse, mais se retrouvent mises en scène dans un espace qui fut autrefois un fleuriste et, avant cela, un salon de coiffure – évoquant désormais le display d’un espace commercial ambigu, sans jamais s’y conformer totalement. Sur les murs, deux peintures sur latex présentent différentes images de chiens aux coiffures variées, rappelant les guides de style souvent trouvés dans les salons de coiffure locaux. Michelin, cheveux, fleurs, chiens – des associations qui, à première vue, paraissent absurdes, mais qui révèlent en réalité un tissage, une tresse des histoires de la ville, de ses espaces en mutation et de ses habitant·es, explorés et démêlés par Dani Reynolds lors de sa deuxième résidence à Clermont-Ferrand.1

Pendant trois semaines, Dani Reynolds a travaillé sur place, grattant la peinture de miroirs jusqu’alors dissimulés, appliquant des gestes rappelant ceux d’un·e coiffeur·euse, d’un·e fleuriste ou d’un·e toiletteur·euse pour chiens – taillant la chevelure invisible de l’espace pour le raviver, révélant et encadrant ses charmantes imperfections. Des éléments disparates, arrachés à leurs contextes habituels, sont désormais présentés dans une composition vertigineuse (comme un bouquet) mais empreinte d’humour, ou encore une partition. Les dimensions chorégraphiques et performatives de ces métiers se reflètent dans la pratique de Dani, où iel orchestre des moments qui s’engagent simultanément avec la sincérité de l’échec tout en évoquant la nature cyclique du malaise et de l’obsession, à l’image du doom scroll.

Cette nature cyclique se manifeste dans la vidéo aux allures de TikTok, diffusée en boucle depuis un iPhone fixé à un miroir à l’aide d’une ventouse incontournable des influenceur·euses. Évoquant la Canine Choreography [chorégraphie canine] – une performance réalisée par Dani, dans laquelle l’artiste dansait avec des créatures à quatre pattes – la vidéo présentée ici interroge la nature des espèces compagnes. Plutôt qu’une chorégraphie entre humain·e et chien·ne, celle-ci se déploie entre humain·e et voiture-jouet automatique recouverte de papier mâché, montée sur des roulettes de chaise de bureau et capable de pivoter à 360 degrés. Cette vidéo reflète l’idée de projections démultipliées, ou “thrown projections”, explorée par Sianne Ngai2, à la fois par l’acte même de la performance et au travers du prisme médiatisé des réseaux sociaux. Une projection démultipliée est, après tout, une construction qui reproduit deux fois le même principe – la projection d’une projection, ou le renvoi incessant d’une image déjà projetée. De cette manière, les animaux domestiqués tout comme les plateformes numériques deviennent les miroirs de cette logique récursive, absorbant et réfractant sous nos yeux les désirs, les angoisses et les performances humaines.

L’expression sérieuse, la sécheresse du regard des performeur•euses3, nous amènent finalement au titre : Fluff Dry, ou “séchage et brushing”. Emprunté au lexique anglais du toilettage canin, ce terme désigne le processus consistant à sécher le pelage d’un chien à l’aide d’un sèche-cheveux tout en le brossant pour lui donner du volume et de la densité. L’exposition reflète ce geste – offrant une vision épaisse et volumineuse de la pratique d’un·e artiste qui a été détenteur·ice du record Guinness pour avoir créé la perruque la plus large du monde4, d’un·e dresseur·euse amateur de chiens et d’un·e passionné·e de miniatures.

[Aerial shot] Three cars—pink, green and blue—slide into the curve, their plastic wheels slicing through the wet asphalt in a choreographed hesitation, spinning out in an almost perfectly mastered hydroplaning—a near-failure, a half-rehearsal, a moment stretched thin between grip and release. [Close-up] A dog. Submissive bystander? Active participant? Either way, its fur ripples in the wind as it watches, tracking the movements as if attempting to make sense of the absurd ballet unfolding before it. The Michelin wet handling ring, reserved for full size machines and big money, now plays host to this surreal choreography of children’s cars, their presence both ridiculous and oddly graceful. It is an arena of absurd repetition, of skidding and correction, of something like control but not quite. A car wavers, corrects, wavers again. The dance continues, unlearning mastery in pursuit of something closer to instinct. Here, the machines flirt with uncertainty, tracing loops of defiance—somewhere between play and precision, between a game and something unknowingly serious.

But this is only what would have taken place—what might have unfolded in a video dreamt up by artist Dani Reynolds, had Michelin agreed to let us film on their wet handling track. Instead, these cars—once motorized toy cars for children—have been reimagined, altered. No longer bound to a linear trajectory of forward and backward, they now spin freely, set atop office chair wheels, their movement untethered, directionless, ecstatic. Their surfaces, given a glow up through layers of papier-mâché and silver gargoyle emblems, seem at once ornamental and defiant, relics of a mythology that never existed. And so they find themselves not skimming over a slick test track but instead staged in a space that once housed a flower shop and, before that, a hair salon—now evoking the setup of an ambiguous commercial space, yet never fully resolving into one. On the walls, two paintings on latex depict different images of dogs with varying hairstyles, reminiscent of the styling guides often found in the local salon. Michelin, hair salons, flowers, dogs—associations that at first seem absurd but instead reveal a braid of the city’s history and its shifting spaces and inhabitants, traced and unraveled by Dani Reynolds during their second residency in Clermont-Ferrand.1

Over the course of three weeks, Dani Reynolds worked onsite, chipping away paint from previously hidden mirrors, applying gestures reminiscent of a hairstylist, florist, or dog groomer—trimming back the space’s invisible hair to revive it, revealing and framing its charming imperfections. Disparate elements, plucked from their typical contexts, are now presented in a dizzying yet humorous arrangement (think bouquet), or score. The choreographic and performative aspects of these professions are reflected in Dani’s practice, where they orchestrate moments that simultaneously engage with the sincerity of failure while recalling the looping nature of uneasiness and obsession, like the doom scroll.

This looping nature appears in the TikTok-esque video playing on repeat from an iPhone stuck onto a mirror via an influencer must-have suction pad. Reminiscent of Canine Choreography—a performance Dani produced in which the artist danced with four-legged creatures—the video presented here questions the nature of the companion species. Rather than a choreography between human and dog, the choreography here unfolds between human and a 360-spinning, papier-mâché-covered, automatic toy car mounted atop office chair wheels. This video reflects the idea of thrown projections2—both through the act of performance itself and through the mediated lens of social media. A thrown projection is, after all, a construct that enacts the same principle twice over—the projection of a projection, or the thrownness of something already thrown—and in this way, both domesticated companions and social media platforms serve as reflections of this recursive logic, absorbing and refracting human desires, anxieties, and performances back at us.

The serious expression, the dryness of the performers’3 stare, brings us, finally, to the title: Fluff Dry. Borrowed from the dog grooming term describing the process of using a dryer to blow air into a dog’s coat while simultaneously fluffing the hair to create volume and fullness, the exhibition mirrors this act—offering a full and voluminous vision into the practice of an artist who has been the holder of the Guinness World Record for creating the world’s widest wig4, an amateur dog trainer, and a miniature enthusiast.